Sublime : « Marx et la poupée » de Maryam Madjidi

Quelle langue! Quelle poésie! C’est beau, c’est un régal à lire, relire, à écouter la musicalité de certains passages, à déguster ce petit bijou de littérature!

« Marx et la poupée » c’est un travail sur les souvenirs, sur la mémoire, sur les racines et sur l’exil. Entre Paris et Téhéran, Maryam Madjidi nous entraîne dans un tourbillon de souvenirs qui s’entrechoquent, de petits paragraphes en extraits de poèmes, d’une révolution à un exil, et d’une petite fille à une femme. C’est plein de petites histoires, de petites bulles d’anecdotes, de pleurs et de rires. L’auteure n’a que 6 ans lorsque ses parents décident de quitter Téhéran pour Paris suite à la révolution iranienne. Elle décrit par petites touches sa découverte de la langue, de la nourriture, son refus de parler/manger pendant un temps, ses dessins macabres et son oubli du persan. Le personnage de la grand-mère est important, qui apparaît et disparaît, mémoire vivante de son pays d’origine, qu’elle cherche et repousse selon les moments. Le livre est divisé en trois grands chapitres (première, deuxième et troisième naissance) qui sont autant d’étapes que l’écrivaine évoquent quand à sa relation à l’exil et à ses racines. La langue, incontestablement, est ce qui la guide, cette langue oubliée qui revient. Plusieurs extraits à ce sujet sont très émouvants, je pense à celui-ci par exemple :

 

« Un étrange bruit attire son attention. C’est le bruit d’une canne qui frappe le pavé. Elle tourne la tête et voit une vieille femme avancer vers elle. Elle a le visage recouvert mais un parfum familier et rassurant se dégage d’elle. Elle s’assoit près d’elle sur le banc.

– Je te l’avais dit : tu reviendras vers moi. Tu es revenue à présent.

– Vous êtes qui ?

– Tu ne me reconnais pas? Je suis ta langue maternelle. Je t’ai attendue tout ce temps. »

 

On est à plusieurs reprises dans la fable, comme l’indiquent certains titres comme « il était une fois ». Dans cet entrelacs de souvenirs parfois difficiles, le réel est sublimé par ces passages où le conte prend le dessus. L’ensemble est très poétique et infiniment réussi.

LNA_MADJIDI_COUV-RVB

Une réflexion sur “Sublime : « Marx et la poupée » de Maryam Madjidi

Laisser un commentaire